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intention concernant les « buros », 2004
les sculptures/bureaux, la sculpture/table avec les catalogues des artistes invités au musée d’Art moderne de saint-étienne, tout comme à l’exposition à la galerie georges verney carron à villeurbanne, ainsi que sur la sculpture/table de l’exposition intitulée « mais où est donc passé le youkounkoun ? », ou bien encore la sculpture/table et son plateau de plumes dans les jardins de la mairie d’andrésy, sont des propositions d’espaces de communication, sans expression, ni représentation. pour préparer l’exposition à villeurbanne, une enquête auprès des trente-trois salariés avait déterminé leurs besoins et leurs goûts pour leur mobilier de bureaux. l’interprétation de ces résultats donna forme aux sculptures. elles resteront les témoins du moment de la création, ou de l’œuvre, qui n’a duré que le temps de l’exposition. elles sont les traces de l’œuvre, une forme de constat de l’instant de leur utilisation. c’est pour cette raison que leur reproductibilité ne change pas beaucoup leur statut. leur multiplication dans certains cas est liée à une volonté de diffusion plus large de ce constat. leur réalité, matérielle, est importante dans la mesure où elles sont les seuls témoins (les images qui auraient pu être prises de l’œuvre n’étant que des représentations furtives). c’est ainsi que des pièces comme la sculpture/bureau de la commande de la ville de dijon, ou l’aménagement proposé par jean- christophe nourisson et moi-même à lyon sont envisageables dans le processus de la création. un mobilier multifonctionnel de couleurs vives a été conçu pour le projet d’habitat partagé à lyon : constitué de banquettes, sièges et tables basses, ce mobilier était modulable en fonction de l’utilisation de l’espace. à usage multi-générationnel, il proposait différentes hauteurs d’assise et de types de confort. sur l’un des murs, en avant de la cage d’ascenseur, un grand tableau noir était disposé, assurant la circulation d’informations écrites ou visuelles entre les différents habitants, tout comme pour l’exposition à villeurbanne en 2004 à l’entrée de laquelle les murs étaient devenus des tableaux noirs que les visiteurs et les clients des entreprises de l’immeuble pouvaient remplir à la craie. le « bureau de jo » était une sculpture/table qui fut utilisée par georges verney carron, durant les deux mois de l’exposition.
lorsque j’ai fait une enquête auprès des employés de l’entreprise à villeurbanne en 2003 pendant six mois, pour l’exposition à la galerie verney carron, j’ai collecté individuellement leur avis, leurs idées et leurs goûts au sujet du mobilier de bureau et des espaces dans lesquels ils aimeraient travailler. ces informations ont donné naissance à des sculptures/mobilier qu’ils ont utilisé. la photographie d’identité de chacun des participants était collée au mur en plusieurs exemplaires le jour de l’exposition. ces exemples dans ma pratique rejoignent l’ouverture à l’autre, celle qui permet de développer une cohésion sociale et d’éviter la relation animale et primaire. les individualités sont des fragments d’un tout dont nous devons préserver les singularités. il me semble que chacun en est responsable. les sculptures/tables qui accueillent les catalogues ou revues présentant les travaux des artistes présents dans les expositions collectives auxquels je participe procèdent de la même intention artistique.
la fonctionnalité est aussi un moyen d’échapper à la volonté d’imposer, au choix tout-puissant du créateur, en laissant au spectateur le soin de créer, dans son rapport à l’œuvre, un sens à celle-ci et d’affirmer son identité et sa responsabilité individuelle par un acte simple. le spectateur peut s’asseoir, ou prendre la documentation, mais il ne le fera pas nécessairement (par doute, par choix). l’œuvre propose un réel au spectateur par l’intermédiaire d’un espace et d’un acte. le spectateur a le choix de l’expérience de l’œuvre ou de sa seule représentation. pour définir un peu plus cette volonté de ne pas choisir à la place du spectateur, tout comme le choix ne m’appartient plus complètement lorsque je fais appel à d’autres créateurs ou acteurs dans certaines pièces, je parlerais volontiers d’une manière générale de l’importance de la responsabilité de l’individu plutôt que de celle de l’artiste, du collectif ou du politique.
mes questionnements, en relation avec le souhait de créer et/ou de pratiquer un espace habitable, à l’image de mes réalisations, traduisent une volonté de recentrer les corps et les espaces, et de les partager. pour d’autres créateurs ce sera, de façon plus distincte, construire un atelier, un lieu spécifique de présentation, ou bien encore une action sociale. s’opèrent ainsi régulièrement des glissements entre le privé et le public. pour ma part, il s’agit d’essayer de présupposer le réel et de le vivre. j’attends avec impatience le temps où je pourrai créer mes projets de sculptures habitables. le domicile, tel qu’il a été défini lors de l’exposition collective réalisée par lorand heguy en 2005, au musée d’art moderne de saint-étienne, dans l’exposition domicile privé public, est un bon exemple de cette manière d’être dans le réel, c’est-à-dire de s’y positionner et d’en faire un matériau. pour cette exposition collective, une réflexion autour du contexte proposé était à mener : un musée, celui de saint-étienne, conçu pour des pièces majoritairement minimales, une collection comportant beaucoup de pièces de design, un thème d’exposition collective rejoignant mes préoccupations. le projet concernait les artistes invités et le personnel du musée. j’ai proposé à chacun des artistes de prêter une ou plusieurs œuvres qui aient à voir avec le mobilier afin de les installer dans l’espace privé qui m’était réservé. parmi les artistes concernés, krijn de koning a accepté. deux de ses pièces étaient donc jointes aux miennes dans l’espace qui m’était imparti. mes sculptures/tables, et les sculptures/sièges étaient ainsi utilisées dans ce centre de documentation de l’exposition et offraient au public la possibilité de consulter les catalogues de tous les autres artistes de l’exposition. sur les murs étaient collées les photos d’identité de toutes les personnes concernées par l’exposition, celles qui ont bien voulu prêter leur image. ces petites images fixées au mur font partie de l’environnement de l’œuvre, mais elles ne sont pas l’œuvre. elles font partie de ses contours, de sa sphère privée, de ce qui la borde, l’entoure et contribue à son existence ou à sa présence. j’avais souhaité ajouter des pièces de design présentes dans la collection du musée, afin d’engager une confrontation entre des œuvres d’art et du mobilier, puisqu’il s’agissait bien là d’explorer les frontières entre ces deux domaines. ce prêt n’a malheureusement pas été possible. ironie du sort, les pièces de design ne sont plus disponibles à la fonctionnalité dès lors qu’elles deviennent des pièces de musée. ceci me permet aussi d’évoquer une nouvelle fois les limites de l’exposition des œuvres dans les musées, qui sanctifient parfois l’espace de l’œuvre pour le séparer de celui du spectateur. ce sont finalement nos œuvres qui sont devenues mobilier le temps de l’exposition.